Temps aux brisures d’enfance cinquième partie,

L’offense à l’enfance

Avant de commencer, sachez que ces malheureux évènements décrits se sont perpétués sur quelques mois. J’en ai sélectionné trois qui démontrent l’atteinte, l’offense à l’enfance. Je veux aussi que vous sachiez, que ces trois terribles aventures nécessitent d’être les derniers que je vous révélerai pour le moment. L’essence même de la compréhension du message d’intérêt fait maintenant l’objet d’une complétude alors en rajouter serait inutile.

Aujourd’hui, je suis un homme épanoui qui fait vibrer son présent positivement. Les périodes tragiques sont désolantes certes, mais elles font partie intégrante de mon cheminement. Il faut les démystifier, les épurer afin d’être libéré de leurs dominances émotionnelles. Le travail sur soi est sans fin et passionnant. Se tendre la main dans le but de se donner assistance, apprendre à s’aimer et s’ouvrir à nos craintes afin de mieux les comprendre comme le dit une de mes chansons.

Le premier se déroule après une dizaine de jours d’hospitalisation. L’école avait organisé une rencontre d’enfant pour démontrer leurs soutiens. Il est très insécurisant de recevoir la visite d’inconnu dans un moment d’aussi grande vulnérabilité. J’ai fait face à la musique, comme le veut l’expression. Quand ils sont entrés dans ma chambre, ils étaient par petit groupe. Je pouvais reconnaître certains visages, mais la plupart m’étaient étrangers. Après un temps, j’ai demandé qu’on m’accompagne à la cafétéria dans un aller-retour. J’avais une fringale et le souper se pointait que trop tard. Après les présentations et des conversations de politesse, deux d’entre eux m’offrent de m’y reconduire. Ce sont deux jeunes garçons un peu plus vieux que moi. J’ai pensé qu’ils étaient de la sixième année, moi qui étais de la quatrième. Je ne les connaissais pas, mais je pensais être en sécurité étant donné qu’ils avaient été sélectionnés pour me rencontrer par mon école.

Ils ont conduit mon fauteuil roulant jusqu’à l’ascenseur. En 1981, les fauteuils roulants étaient très lourds. Alors il m’était très difficile de le déplacer sur une longue distance seule surtout après l’épreuve que je venais de traverser. Nous sommes donc descendus au sous-sol, ensuite ils m’ont poussé jusqu’au fond d’un grand couloir, nous avons pris un autre ascenseur, qui nous a conduits au tunnel. Le dernier ascenseur qu’ils m’ont fait prendre était très vieux. Vous savez ceux possédant un rideau de fer ? Après quoi, ils m’ont déplacé jusqu’au bout d’un nouveau grand passage. On a zigzagué pendant un long moment. Ils ne disaient pas un mot, mais je les sentais rigoler derrière moi. Je savais à cet instant que ça n’allait pas. Ceux qui connaissent l’hôpital de Lévis vont comprendre que certains édifices sont reliés par ces tunnels. Ils m’ont abandonné dans un endroit sombre en m’injuriant. J’étais perdu. Je ne saisissais pas ce qui se passait vraiment.

Il me fallut beaucoup de temps pour rejoindre ma chambre. J’ai croisé une infirmière, j’ai demandé son aide pour retrouver mon étage. Un coup rendu, je n’ai pas osé raconter ce qui venait de se passer, car j’avais honte. J’étais très triste et très inquiet. Mais jamais je n’ai parlé de cette mauvaise expérience à personne. Cela peut sembler anodin, mais ce ne l’était pas, enfin pas pour moi. J’étais incapable de comprendre la nature du geste. C’était de la méchanceté à l’état pur. Je me sentais tellement vulnérable qu’il ne me fallait pas grand-chose pour me déstabiliser. On m’avait ridiculisé, infériorisé. J’avais perdu confiance en moi et aux autres, c’était un évènement odieux.

On m’avait manqué de respect pour la première fois. Pourquoi moi ? J’avais une belle personnalité, je n’étais pas du genre à provoquer. C’était la première fois que je me sentais trahie. Quand il arrive un épisode tragique et qu’une plaie est ouverte, il faut la traiter. C’est la même chose pour la tête. On venait de me manquer de respect dans un moment de grande vulnérabilité. Je n’ai pas su me relever fort de cette épreuve. Aujourd’hui, j’en suis conscient, j’en ai souffert et cela m’a suivi tout au long de ma vie.

Mon deuxième évènement a aussi pris naissance pendant mon hospitalisation. Un homme d’une cinquantaine d’années s’était lié d’amitié avec moi et ma famille. Il disait admirer ma force de caractère, mon côté joyeux et sympathique. Après ma sortie de l’hôpital, il avait gardé contact avec nous. Il m’achetait fréquemment de très beaux cadeaux. Il proférait que j’étais le fils qu’il n’avait jamais eu. Il a pris son temps afin de mettre la table pour son idée diabolique. Un jour, il est passé à l’acte en m’agressant sexuellement. Je vais me garder les détails, ils ne sont pas nécessaires.

Suite à ça, je devais le dire à mes parents, mais j’étais embarrassé, troublé par ce qui venait de se passer. Il n’était pas question qu’il remette les pieds à la maison, c’est pourquoi je devais agir et vite. J’ai alors dit à mes parents qu’il avait ESSAYÉ d’abuser de moi. Mon père l’a appelé sur-le-champ afin de lui faire comprendre de ne plus jamais reprendre contact avec moi, avec nous. Je me suis senti soulagé. J’allais quand même garder le secret de l’acte. Mes parents ont su la vérité sur cet évènement que dernièrement, juste avant la publication de mon histoire. Ils étaient habités par un sentiment de colère et d’indignation. Il est évident que ma vie en a souffert. Une agression sexuelle c’est percutant, c’est ravageur. Je me sentais fautif d’avoir accepté ces cadeaux. Coupable de ne pas avoir dit la vérité. J’étais déchiré profondément blessé par l’agression, mais aussi par ma réaction qui me paraissait de lâcheté.

Pour le troisième, j’étais chez moi, en train de jouer sur le terrain, quand deux adolescents sont passés devant la maison. Ils m’ont regardé et m’ont injurié en me traitant de handicapé. Ils criaient en disant que j’allais coûter cher à la société. Évidemment, je ne me souviens plus des autres paroles. Sur le coup, ces mots m’ont paru comme un coup de poing à la poitrine. J’étais paniqué. Je me sentais comme un moins que rien, j’avais peur et habité par le mépris. Quand j’étais seul, je ne jouais plus sur le terrain. Étant donné que nous vivions sur le bord du fleuve St-Laurent, j’ai passé la plupart de mon adolescence sur la grève afin que personne ne puisse me voir. Il y avait un mur de 10 pieds qui séparait la grève du terrain de la maison. Je me sentais flétri, c’était ma pénitence. Et je pèse mes mots. Les gens qui me connaissent bien vont apprendre cela en même temps que vous. J’avais perdu mes repères. Ma mère se souviendra que j’usais mes pantalons à frotter mes mains sur mes cuisses. Je lui disais que j’avais peur et la nuit, je faisais des cauchemars. J’avais des troubles paniques puissants.

Mes références me faussaient compagnie. Le plus grand des problèmes était que je gardais tout cela secret au fond de mon être. Je m’étais soumis à mes tourments et je m’interdisais d’avoir des limites. J’avais de terribles frustrations, j’étais fragilisé et toujours entre la douleur physique et psychologique. Ma prise de conscience était faussée par l’égrégore, une sorte de chaos émotionnel.

À cet âge, on prend les obstacles un à la fois. Je croyais que la vie était ainsi faite. Je perds ma jambe, les évènements malheureux m’ont percuté aussi violemment que la moto. J’étais à l’aube de la puberté et toujours sans balise.

J’ai vécu mon adolescence dans la broussaille, je m’infligeais des chemins terreux, cela me faisait du bien de me voir souffrir. Je devais marcher sans boiter, je devais suivre mes amis sans me plaindre. Je pratiquais des sports sans y être adapté. Le mot limite m’était inconnu, l’équilibre j’y n’avais pas droit.

Je dois aussi dire que je me porte garant de mon épreuve initiatique. Les gens qui m’entouraient ne sont en aucun cas responsables de celle-ci. Mes parents, mes frères et mes proches ont tout fait pour m’encadrer du mieux qu’ils le pouvaient avec leurs cœurs et leurs connaissances. Je peux même les remercier d’avoir été à mes côtés sinon je ne serais pas ici à écrire cette histoire.

Aujourd’hui, j’ai fragilisé mon corps physique à ne pas le respecter. J’ai subi au-delà d’une dizaine d’opérations, vécu autant de rechute dû au surmenage. Je ne compte plus les traitements-chocs d’antibiotique intraveineux qui ont déstabilisé mon système digestif. J’ai dû vaincre plusieurs sevrages. Mon corps en a subi les conséquences. J’ai quelques vertèbres d’écrasées, perte de sensation dans mon bras gauche.

Étant donné la compensation du membre amputé, ma jambe gauche est aujourd’hui frêle, très fragile. Il m’arrive souvent de faire des fractures de stress. Cela se produit chaque fois que je marche un peu trop longtemps, ou alors quand je saute sur ma jambe en l’absence de ma prothèse. Je vais vous expliquer ce que c’est; une petite fissure ou contusion dans l’os qui a lieu dans une zone toujours exposée à la même pression, de manière exagérée. De toute façon,  j’ai toujours compensé ma jambe absente par surutilisations répétitives, avec les années je l’ai vulnérabilisé. Aujourd’hui, je dois alterner avec ma prothèse, ma canne et plus souvent mon fauteuil roulant. Quand j’étais plus jeune, ce genre de fracture était provoqué par une pression excessive. Maintenant, elle est tellement fragilisée que cela arrive sans trop exagérer.

Mon corps est donc resté fatigué de ces longues années à ne pas l’avoir estimé cela est certain. Par contre, mon esprit lui s’est renforci. Ma récompense est la compréhension que j’ai présentement de la vie. Je le dis sans prétention.

Je devais terminer mon histoire en 5 parties. J’en ferai une sixième afin de vous décrire qui je suis maintenant. Les évènements, les chocs, les étapes difficiles ne sont pas toujours vécus en vain. On peut grandir des épreuves initiatiques, elles sont même nécessaires dans certaines mesures.

Il y a une chose très importante. Mon histoire n’est pas plus intéressante que la vôtre. J’ai juste éprouvé le désir de la raconter. Je ne suis pas plus grand que mon voisin, je me suis pas plus beau ni plus fort que lui non plus. Ne me portez pas de qualificatif herculéen, je ne suis qu’un marcheur de vie comme vous, avec mes forces et mes faiblesses. J’essaie sainement de grandir à travers mes épreuves. Aujourd’hui je m’efforce de garder mon équilibre et tente de respecter mes limites…

Merci de m’avoir lu.

N’hésitez pas à m’écrire en privé si vous préférez, à alainayers@hotmail.com

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